Un vieil homme, qui vivait dans un village n’avait plus de famille, excepté un jeune homme qui était son petit-fils.
Ils avaient un cheval. Le jeune homme, de temps en temps, chevauchait jusqu’à la ville pour ramener des provisions. Fort peu de gens, dans le village, avaient assez d’argent pour avoir un cheval. Les villageois enviaient donc le vieil homme et le considéraient comme quelqu’un qui avait bien de la chance.
Un jour, cependant, le cheval se perdit. Les villageois vinrent voir le vieil homme et, pour le consoler, lui dirent que ce n’était vraiment pas de chance d’avoir perdu ce cheval, le seul qu’il avait. « Quel dommage, dirent-ils, d’avoir perdu votre unique cheval ! Comme cela va être difficile pour vous maintenant ! »
Le vieil homme écouta et sourit : « C’est vrai que ce cheval est perdu. »
Les villageois insistèrent que ce n’était vraiment pas de chance d’avoir perdu ce cheval, mais le vieil homme répondit, en peu de mots, que le cheval n’était plus là.
Après quelques jours, le cheval revint accompagné de trois ou quatre chevaux sauvages. Les villageois se précipitèrent vers le vieil homme pour le féliciter de son immense bonne chance. « Oh ! Vous en avez de la chance ! Alors qu’auparavant vous n’aviez qu’un seul cheval, maintenant vous en avez trois ou quatre de plus. Vous en avez de la chance ! »
« Oui, dit le vieil homme, avant je n’avais qu’un cheval qui s’est perdu. Maintenant je vois qu’il est revenu avec trois autres chevaux. Je ne sais pas si j’ai de la chance ou non, la seule chose que je vois, c’est que ce cheval est revenu avec d’autres chevaux… » Mais les villageois continuèrent de le féliciter pour sa chance extraordinaire.
Quelques jours après, le petit-fils du vieil homme demanda la permission de monter un des nouveaux chevaux sauvages, qu’il avait réussi à apprivoiser. Le vieil homme la lui accorda en lui demandant de faire bien attention.
Mais voila, qu’un moment après, le jeune homme revint porté sur les épaules des villageois. Le cheval l’avait jeté à bas, et le pauvre jeune homme avait une jambe cassée.
Les villageois de nouveau se lamentèrent sur le manque de chance du vieil homme : « Vous n’aviez que cette seule personne pour s’occuper de vous dans votre vieillesse et hélas ! le voilà handicapé pour le restant de ses jours ! C’est un grand malheur qui s’est abattu sur vous. »
Le vieil homme répondit calmement : « Le garçon est certainement handicapé pour le restant de sa vie. Mais ce que vous dites concernant le grand malheur qui s’est abattu sur moi, ça vraiment je ne sais pas. »
La guerre éclata et il y eut une conscription. On recrutait partout des jeunes gens à travers le pays. Des officiers vinrent au village. Ils voulurent enrôler le petit-fils du vieil homme. « Mais il boite, dirent-ils, il ne peut pas nous être utile. »
« C’est à vous de décider », répliqua le vieil homme.
Les villageois accoururent voir le vieil homme et le félicitèrent pour sa chance extraordinaire : « Quelle chance pour vous que votre petit-fils se soit cassé la jambe dans cet accident ! »
« Ah ! dit le vieil homme, c’est vrai qu’ils n’ont pas voulu le prendre et ils ne me l’ont pas pris. Cela je le vois bien. Mais si j’ai de la chance ou non, que ce garçon se soit cassé la jambe et qu’il n’ait pas été envoyé à l’armée, je ne sais pas. »